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Passer à côté

Je suis toujours un peu surpris d’entendre l’expression « heureux ceux qui croient sans avoir vu ».  Parce qu’il m’a toujours semblé qu’une fois qu’on a vu, on ne croit plus, on sait.  Et pourtant, on peut voir sans savoir.  Il suffit d’écouter le récit de deux témoins d’un même événement pour mesurer l’écart entre la réalité dans toute sa densité et ce qu’on peut si partiellement en percevoir.  Une si grande part du réel nous échappe. 


Il y a quelques jours, j’allais visiter un ami à l’hôpital qui venait de subir une petite chirurgie.  En arrivant sur l’étage, je le vois sur un brancard que le préposé ramène du bloc opératoire et on me dit que je dois attendre qu’on l’installe dans sa chambre.  Je vois qu’il y a un petit salon au bout du couloir et une vieille dame un peu recourbée y est assise dans un fauteuil.  Je m’approche d’elle et c’est elle qui m’aborde avec une gentillesse et un tact hors du commun.  Je découvre une femme d’une culture exceptionnelle avec une érudition époustouflante.  Nous avons eu un échange si riche que j’ai failli ne jamais rejoindre l’ami que je venais visiter.  La minute d’avant, j’ignorais tout de cette femme extraordinaire.  J’avoue que j’appréhendais même de lui adresser la parole m’imaginant, qu’à son âge avancé, elle devait sûrement être un peu confuse.  À côté de quel beau moment je serai passé!


Je me dis parfois que des tas de gens sont passés tout près de Jésus sans jamais le rencontrer vraiment.  Après sa résurrection, dans bien des récits, on a l’impression qu’il lui faut insister beaucoup pour qu’on le reconnaisse.  C’est encore le cas dans l’évangile de ce dimanche, les disciples d’Emmaüs, qui font pourtant un bout de chemin avec lui, ne le reconnaissent qu’une fois qu’il leur a longuement expliqué les liens entre le supplice qu’il a dû subir à sa passion et ce qu’avaient annoncé les Écritures, une fois qu’il a présenté ses plaies, qu’il a rompu le pain et pris le repas avec eux.


Cet aveuglement est certainement aussi le nôtre.  Que savons-nous vraiment des gens que nous côtoyons?  Ne les percevons-nous pas trop souvent à travers le prisme de nos idées toutes faites?  N’ignorons-nous pas trop souvent qu’ils sont des êtres que Dieu aime comme un Père aime ses enfants?  Sommes-nous seulement un peu disposés à entendre leur histoire? Pourquoi donc nous priver d’un tel trésor? Lc 24, 35-48


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