« Il commença à les envoyer en mission, deux par deux. » Le mot même « mission » en fait frémir plusieurs par les temps qui courent. De quel droit pourrait-on aller vers quelqu’un avec la mission de le convertir? N’est-ce pas un manque de respect profond à l’égard de la différence et de la conscience des personnes? Ne s’agit-il pas d’une attitude colonisatrice tout empreinte de prétentions et de condescendance? La foi n’est-elle pas une affaire personnelle? Chacun ne devrait-il pas vivre son rapport à Dieu comme il l’entend, non?
Pourtant, c’est bien Jésus qui envoie ainsi ses disciples en mission. Et si je ne m’abuse, le leitmotiv de notre diocèse est bien de « former des disciples-missionnaires ». Dès lors, deux questions se dressent : quel est le message à apporter à ceux et celles à qui nous sommes envoyés? Et comment accomplir cette mission?
La première question est trop souvent escamotée ou mal comprise. La réponse est simple: annoncer l’évangile, la Bonne nouvelle. Mais qu’est-ce que l’évangile? Une série de textes remplis de leçons de morale? Des récits plus ou moins romancés de la vie de Jésus? De belles pensées positives qui contrebalancent les mauvaises nouvelles culpabilisantes du téléjournal? L’évangile du Christ est l’annonce de sa victoire sur la mort et tout ce qui y conduit. Non pas uniquement sa victoire sur sa propre mort, mais aussi sur la nôtre. Pas seulement sur la mort définitive, mais sur toutes nos petites morts quotidiennes qui nous figent dans la peur, dans la souffrance, dans l’isolement les uns des autres. Une Bonne nouvelle est l’annonce d’un fait que l’on peut croire ou pas, mais face auquel on ne peut pas rester indifférent. Y croire nous fait emprunter un chemin. Ne pas y croire nous fait en emprunter un autre. Respecter l’autre, ce n’est pas lui cacher le fait dont nous sommes témoins, mais lui annoncer ce fait et le laisser libre de nous croire ou pas, sans insister, sans juger.
La deuxième question n’est pas banale. Jésus invite ses disciples à partir démunis, sans tunique de rechange. Une posture inconfortable qui aide à adopter la seule attitude qui convient au message dont le disciple est investi : l’humilité. Le chrétien n’est meilleur que personne. Il n’est que conscient de la grâce du Salut qui lui a été offerte sans aucun mérite de sa part, gratuitement. Le disciple doit être accueilli d’abord dans sa pauvreté pour être crédible et jamais dans une pseudo-supériorité. Il propose joyeusement de témoigner de cet amour gratuit dont il vit sans jamais s’imposer.
Les disciples sont envoyés deux à deux et ce n’est pas par hasard. Le message qu’ils portent les dépasse individuellement. Il doit être témoigné d’abord dans la communion concrète, visible, de frères et de sœurs qui en vivent entre eux en premier lieu. Pour se convertir, pour changer, il faut reconnaître chez l’autre quelque chose qui nous fait défaut. Notre monde aurait-il besoin encore aujourd’hui du témoignage d’une Bonne nouvelle?
Mc 6, 7-13
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