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« Il en distribua aux convives, autant qu’ils en voulaient » (Jn 6, 1-15)

À l’hiver de mes dix ans, Maman est tombée malade. Une fièvre sans nom de cinq jours. Enfermée dans sa chambre, incapable de bouger. C’était en 1970. Papa savait à peine se faire des toasts… On a ouvert des conserves à chaque repas. Le plafond de la maison avait descendu de deux bons pieds tellement la réclusion de Maman se faisait sentir. Mais c’est surtout aux heures de repas que je me souviens que nous étions complètement désemparés. Puis, un samedi matin, Maman s’est levée, en robe de chambre. On aurait dit Lazare sortant de son tombeau. Elle avait vieilli de dix ans au moins. Et la première chose qu’elle a faite, ce fut d’ouvrir l’armoire, de sortir son gros chaudron de fonte, de couper de l’oignon, des carottes et du céleri et de nous faire de la soupe. Elle en a fait trop comme d’habitude. Elle calculait mal ses portions. Le plafond a vite repris sa place.


Seigneur, nous avons faim. Le ventre nous gargouille depuis des semaines. Nous avons vu des signes de ta présence dans toutes ces personnes qui se dévouent auprès des malades. Nous avons assisté à des guérisons. Nous avons écouté ta voix religieusement devant nos écrans. Mais là, nous avons faim. Nous ne sommes pas seuls. Il y a une foule nombreuse autour de nous.


Quoi? Que dis-tu? Tu nous demandes où nous pourrions acheter du pain? Mais tu n’es pas au courant, Seigneur? Les boulangeries sont fermées depuis des semaines. Et il y a une file interminable à l’épicerie… Quoi? Tu nous demandes de prendre les quelques pains et les deux poissons de ce jeune garçon… Es-tu sérieux? Mais ça ne suffira jamais.


Quel signe t’apprêtes-tu encore à faire? Nos églises sont fermées. Non seulement, on a faim, mais on ne peut même plus se réunir ensemble pour t’écouter, pour célébrer. Nous y tenons plus que nous le pensions à cette eucharistie dominicale, tu sais. Il manque quelque chose à nos semaines. On tourne en rond chacun chez soi. On s’ennuie de tous les autres autour de nous qui venaient eux aussi. C’est vrai qu’on leur parlait trop peu. Qu’on ne savait pas grand’chose de leurs petits bonheurs et de leurs souffrances. C’est vrai qu’on ne s’assoyait pas trop près les uns des autres dans ton église même si aucune consigne nationale nous en empêchait. C’est vrai qu’on ne se souhaitait la paix que du bout des lèvres et sans trop se toucher. Mais là, plus rien n’est pareil. Donne-nous à manger, Seigneur! Nourris-nous pour que nous puissions avancer sur le chemin que tu nous as tracé.


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