La route de la vie est parfois épuisante. Je me souviens des dernières semaines de vie de mon vieil oncle Joseph. J’ai eu la chance de passer plusieurs heures auprès de lui avant qu’il ne décède. Bien que la médication qu’on lui donnait apaisait beaucoup ses souffrances, il ne comprenait pas pourquoi le « Bon Dieu » ne venait pas le chercher plus vite. Il me racontait avec beaucoup d'émotion les moments les plus intenses de sa longue vie, les plus heureux comme le doctorat obtenu par son fils à Harvard, mais aussi le terrible accident de ferme dans lequel ma cousine Julie a perdu son bras gauche. Il en parlait comme si ça s’était produit la veille et les larmes coulaient de ses grands yeux bleus comme des torrents. Lui qui était né pendant la première grande guerre et avait combattu durant celle de 1939-1945, avait l’impression d’être arrivé au bout.
Et pourtant, son « Bon Dieu » n’est venu le réclamer que quelques semaines avant sa quatre-vingt-dix-huitième année. Comme si sa mission sur la terre n'était pas encore complètement accomplie. Bien avant la fin de notre vie, il nous arrive tous et toutes d’avoir l’impression d’être au bout du rouleau, d’en avoir fait assez. Arrivent alors parfois une visite surprise, une invitation de dernière minute, un voisin qui a besoin d’un coup de main ou un beau-frère qui a besoin d’un outil et qui a oublié l’heure tardive de son appel et on redémarre la machine, retrouvant une énergie qu’on ne soupçonnait pas avoir encore. C’est un peu ce qui arrive au prophète Élie à qui Dieu demande de manger pour aller plus loin. Et Dieu qui l’appelle lui donnera la nourriture nécessaire pour poursuivre sa route.
De l’extérieur, on peut trouver qu’Élie a perdu la tête et que Dieu abuse de lui en l’appelant à dépasser ses limites. Mais en y regardant de plus près, on peut voir au contraire que Dieu connaît mieux les limites d’Élie que lui-même et qu’il a tout pourvu pour que le prophète atteigne le but qu’il a poursuivi toute sa vie et aille au bout de lui-même. Aller au bout de soi-même, devenir pleinement ce que nous sommes appelés à être, c’est l’œuvre de Dieu et non la nôtre. Mais sans prendre la nourriture que le Seigneur nous offre, et en ne comptant que sur nos propres forces, c’est une mission souvent impossible. Quand la tentation nous vient de tout arrêter, tournons-nous vers Celui qui est « le pain venu du ciel » et qui se donne tout entier en nourriture pour que nous ayons la force d’aller jusqu’au bout. 1R 19, 4-8
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